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Traversée de la mer des Caraïbes (Sainte Croix-Jamaïque)

  • Photo du rédacteur: Globe Tortue
    Globe Tortue
  • 3 févr. 2022
  • 6 min de lecture

20 janvier

Nous partons pour un jour de navigation à destination de Saint Croix, notre première escale.


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La mer est formée mais pas trop sévère. On essaye plusieurs réglages et finalement c'est avec le génois seul qu'on avance le plus vite. Nous prenons nos premiers quarts, définis comme suit : Sylvie : 21h - 00h Marion : 00h - 03h Alain : 03h- 06h. Ras pendant mon quart.

21 janvier


Pote Marcel arrive à 7h à l'est de Saint Croix, pendant que je dors. Il y a eu des jolis grains qui nous ont ramené un bel arc-en-ciel. Le mouillage est sympathique, on en profite pour se baigner et je vois quelques raies et une tortue. L'eau est d'un beau bleu turquoise.




Ensuite nous levons l'ancre vers 17h, direction la Jamaïque. Ce début de navigation se passe bien, je n'ai pas le mal de mer. Alain me relève de mon quart alors que je n'ai même pas fait la moitié !

22 janvier


Belle journée au ciel bleu malgré un grain qui s'annonce. Un banc de dauphins vient jouer avec l'étrave pendant au moins une heure, donnant le spectacle avec leurs acrobaties et leur parfait louvoiement dans l'eau qui file, au grand ravissement de l'équipage.






La nuit, j'entends un grand souffle près du bateau, mais je ne vois rien.




23 janvier


Il y a décidément un problème avec les batteries qui se déchargent trop vite. Le problème c'est qu'on a besoin du pilote automatique, sinon il faudrait barrer 24h/24. Alain effectue des mesures au multimètre pour essayer de comprendre d'où vient le problème. A priori ce sont les panneaux qui se mettent 'en veille' comme si la batterie était presque pleine. Nous mettons le gennaker parce qu'il n'y a vraiment pas beaucoup de vent. À 15h,c'est le calme plat (cf. vidéo). Il n'y a plus de bruits, juste un clapotis de l'eau et le gennaker qui bat un peu.






24 janvier


Ce matin on retire le gennaker parce qu'il n'y a vraiment plus de vent et on démarre le moteur. Le vent se lève un peu ensuite, 13 nœuds, on met la grand voile et le génois. Puis de nouveau plus de vent, on affale et on remet le gennaker, qui avance plutôt bien, à 5-6 nœuds.

Je finis le livre de Moitessier, La longue route. Son parcours est impressionnant et on ne peut nier qu'il écrit bien, mais je n'aime pas trop ce marin qui me semble très égoïste. Il a sacrifié sa famille sur l'autel de l'amour de la mer. En plus, pour un homme si proche de la nature, on ne peut pas dire qu'il avait une conscience écologique très poussée, vu ce qu'il balance par dessus bord pour alléger son bateau. Mais je lui pardonne, il est mort avant même que je ne naisse, ce n'était pas la même génération.

On croise un pétrolier de 300 mètres de long, Oak Spirit. Ces grands bateaux sont fascinants autant qu'ils m'effraient : tant de force de moteur pour déplacer ces tonnes de pétrole, pour alimenter nos vies perfusées à l'or noir.


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La vie sur un voilier a sa propre chronologie, hors du cadran des horloges. Les dates s'y mélangent et n'ont plus d'importance, l'attention étant toute entière absorbée par le vent. On sirote les jours, l'horizon infini brouillant les pistes, et le sommeil s'invite entre les repas comme pour nous maintenir dans un rêve. Les longues heures de lecture ou d'écriture font disparaître le temps et la contemplation de l'océan l'allongent : la notion de durée est malmenée, comme la pâte à pain entre les mains d'un boulanger. C'est finalement les nuances de couleur du soleil qui nous éclairent sur le temps : matin rose, midi blanc, soir jaune, puis orange, puis mauve. Puis la nuit commence bleue, vire au noir intense en attendant la lune : le demi-cercle se lève orange avant de pâlir de la teinte des étoiles. Dans ces moments de contemplation, à la faveur de l'écoute d'une musique profonde, l'émotion me serre parfois la gorge et me pique les yeux : je crois que l'homme est vite submergé dès lors qu'il rouvre ses yeux à la nature nue.

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25 janvier


On s'occupe comme on peut, entre lecture, repas et confection de dessous de verre.



Enfin, la terre est en vue ! On voit avec Alain des dauphins assez gros, gris foncé. Deux pêcheurs Jamaïcains nous saluent sur leur petite barge.




26 janvier

On arrive en Jamaïque, enfin, après le coucher du soleil. La traversée n'était pas particulièrement éprouvante mais longue en durée. Une odeur de jasmin très forte nous vient du vent de la terre.




27 janvier


Après étude des prévisions météo, nous décidons de rester 3 jours en Jamaïque en attendant que le vent se lève. L'entrée dans le pays exige un test PCR chacun, assez coûteux. Nous restons donc au mouillage, en quarantaine, avec autorisation seulement de se rendre à la marina. On profite quand même du paysage et de la piscine de la marina !






28 janvier

Des amis à Alain et Sylvie viennent nous voir pour nous sortir un peu de notre attente.


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29 janvier


Comme nous n'avons pas le droit de sortir de la marina, on part explorer la petite île déserte qui se situe dans le chenal. Un ancien hôtel abandonné est envahi par la végétation luxuriante, c'est beau.


On rejoint le bord de mer où de la roche volcanique déchiqueté nous livre quelques jolis fossiles.





30 janvier


Nous partons à 5h30 ce matin. Le jour se lève sur la Jamaïque qui s'éloigne. Le vent nous cachait un mauvais tour : il vient de l'ouest au lieu du nord-est ! Quand le vent vient pile poil là où on veut aller, les voiles ne prennent pas le vent et c'est impossible d'y aller en ligne droite. On tire donc un bord... A la verticale.


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Pote Marcel ne peut pas mieux faire, avec les vagues de 2 mètres dans le nez. C'est la cata, le bateau est secoué par les vagues, Sylvie et moi avons le mal de mer, et en latitude on fait du surplace. Il est question de faire demi-tour, de retourner en Jamaïque : ça me désespère, après trois jours à attendre un bon vent ! On tire un bord pour nous rapprocher de la côte. Et là, miracle : le vent repasse au nord, puis au nord est. On reprend notre cap : on tape dur dans les vagues, mais on avance.




31 janvier


Ça gîte beaucoup mais c'est assez stable pour ne pas avoir le mal de mer. C'est juste assez pénible de se déplacer dans le bateau. En soi, le fait que le voilier soit incliné n'est pas un problème, mais ce sont les coups de gîte brusques qui sont embêtants. Il vaut mieux être accroché des deux mains pour ne pas valser dans le décor à ce moment là ! D'une manière générale il faut toujours avoir une main accrochée au bateau quand on se déplace, ça donne une bonne idée de ce que peut être la vie des gens qui n'ont plus l'usage de leurs deux bras. Spoiler : c'est pas marrant. Surtout pour aller aux toilettes ! Mais c'est assez fascinant de voir l'étrave plonger dans les vagues et en ressortir indemne, d'entendre le vent rugir dans les voiles et de voir l'eau courir à travers les hublots bas. On pourrait presque voir les poissons nager !


Je n'aime pas trop la couleur de la mer aujourd'hui. Au soleil, elle est grise, avec des reflets souples, une mer de plastique fondu. On dirait vraiment que, si on la laissait reposer, elle durcirait en un linoléum lisse gris bleu et infini. Des déferlantes passent sur le cockpit, doucement, comme dans un rêve. On referme le quatrième mur, nous cachant au public de nos vagues, protégeant un peu le sec qui nous reste. Cette nuit, au large des îles Caïmans, une odeur musquée et épicée, mais je ne vois pas la terre dans les ténèbres. Ou est-ce l'odeur du plaid qui sèche sur la barre à roue à côté de moi ?




1er février


La bôme chante comme pour appeler les baleines ou les dauphins. Je vois de beaux éclairs le soir vers minuit pendant mon quart. La tempête est assez loin car je n'entends pas le son du tonnerre.



4 février



Constellation du navire Argo
Constellation du Navire Argo

L'étrave du bateau pointe sur la constellation du Chasseur, qui semble pourchassée par le Grand Chien, le discret Lièvre et l'immense Navire Argos. Loin derrière, le Corbeau veille.

Et soudain sur l'horizon noir de la nuit, là où le ciel pur et étoilé s'arrête sans reflets dans la mer, une Lueur.

La lueur du continent, non plus une lueur localisée comme celle des îles, mais une longue lueur qui court sur la moitié de la ligne de l'horizon en réponse à celle de la voie lactée.

Ce n'est pas la terre aperçue par Colomb, pour l'instant c'est juste son ombre, ou son éclat, mais elle fait briller mes yeux de continentale.

L'Amérique se devine dans ces touches lumineuses qui se rapprochent, le Mexique est encore plongé dans l'obscurité, et ses habitants dorment, prient ou pleurent peut être, minuit est passé, les villes sont couchées. Cancún se devine sur bâbord, à 40 milles de là : elle n'a pas sommeil, ou en tout cas moins que Cozumel sur laquelle on se dirige.

Dans quelques heures le drapeau blanc et vert se lèvera, dissipera le doute, révélera enfin la Terre, la vraie, la vaste et solide terre ancrée entre Amérique du Nord et Amérique du Sud.




♪ Valentin's bloodflow ♪ de Grandbrothers peut vous faire toucher du doigt la beauté de l'instant.



1 commentaire


Ségolène Gaschignard
Ségolène Gaschignard
24 juil. 2022

Superbes, les vidéos des dauphines. J'ai regardé la première avec Bach en fond. Le bruit des vagues s'y prêtait très bien :)

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Un tour du monde sans avion

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